13e dimanche du temps ordinaire 2021 B
Raviver la mèche qui fume encore !
Homélie
(Sg 1,13-15.2,23-24 ; II Cor 8,7-9.13-15 ; Mc 5,21-43)
Un peu étonnant ce récit ! Il faut se rappeler que, dans son Évangile, saint Marc rapporte peu de longs discours de Jésus. Il le fait connaître plutôt à travers des gestes, des actes qui manifestent sa puissance. L’Évangéliste aime le présenter comme celui qui est plus fort que le mal, que tout mal : rien ne lui résiste, ni ces démons qui perturbent la vie des gens, ni les tempêtes, ni la maladie. On en a un exemple dans la maladie chronique de cette femme que le traitement de nombreux médecins n’avait pas améliorée, et dans la mort de la fille de Jaïre, chef d’une synagogue.
Jésus se présente à nous dans ce récit comme celui qui vient répondre à ces sérieuses questions que nous nous posons souvent : D’où vient le mal ? … Est-ce qu’un jour la maladie, la souffrance, la mort seront vaincues ? … Avons-nous raison de parler du bon Dieu alors qu’il y a tellement de malheurs dans notre monde ? … Oui, Dieu est bon, notre foi nous dit qu’il nous a manifesté sa bonté toute-puissante en Jésus, son Fils.
Dans ce qui nous est raconté en ce dimanche, nous pourrions nous laisser distraire par ces deux miracles entremêlés l’un dans l’autre, surtout que saint Marc le fait en y mettant beaucoup de détails qui peuvent retenir notre attention. Mais il ne veut surtout pas nous intriguer ou nous épater, surtout pas nous faire voir Jésus comme un magicien. Ce n’est pas ce qui l’intéresse. Son but n’est jamais d’épater les gens. Il demande même souvent qu’on ne parle pas de ce qui vient de se passer, et c’est le cas dans le retour à la vie de cette jeune fille.
Il y a dans ce récit évangélique des paroles qui doivent attirer notre attention, parce que ce sont elles qui sont importantes. C’est à cause de ces paroles de Jésus que ce récit a été conservé et nous est raconté aujourd’hui. Remarquons ce que dit Jésus à la femme : Ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal. Et au chef de la synagogue : Ne crains pas, crois seulement. Jésus demande la foi comme condition pour faire ses miracles.
La foi de la femme et celle du chef de la synagogue, voilà ce qui est important dans ce récit de saint Marc. La foi est la seule réponse que Jésus attend de nous, parce qu’avec la foi tout devient possible, même la mort peut être vaincue : Qui croit en moi, même s’il meurt, vivra. Ce récit ne nous inviterait-il pas à réfléchir sur la foi, notre foi, en nous indiquant que la foi des gens peut se situer à trois niveaux.
Un premier niveau, celui que la foule manifeste, une certaine confiance en Jésus. Les récits évangéliques nous racontent qu’elle se rassemble là où il se trouve ; des gens en grand nombre marchent longtemps pour le voir, l’entendre et même le toucher. C’est clair que ce que la foule veut, c’est de voir Jésus faire des choses merveilleuses, l’entendre dire des paroles qui encouragent. Ces gens veulent profiter des bienfaits que Jésus prodigue par sa parole et par ses gestes, expression de sa grande bonté.
Il faut remarquer que Jésus ne méprise jamais cette foi de la foule, une foi intéressée, marquée par beaucoup d’ambigüité, qui reste quand même une attitude vraie de confiance. Jésus respecte même ceux et celles qui trouvent son enseignement trop exigeant et s’éloignent de lui. Il ne les condamne jamais, au contraire, nous savons que, constatant leur faim, pour eux, il multipliera les pains. Il y a beaucoup de gens aujourd’hui qui sont croyants, chrétiens de cette manière, habités par une foi qui nous paraît faible, sinon en voie de disparaître, et cela même chez des personnes qui nous sont proches.
Avant de les juger, souvenons-nous des paroles de Jésus qui reprenait celles du prophète Isaïe : Mon serviteur ne cherchera pas de querelles, ne brisera pas le roseau froissé, n’éteindra pas la mèche qui fume encore. Il s’attend à ce que cette mèche qui fume encore soit ravivée par le témoignage de notre vie, par des paroles dites au bon moment, avec à-propos et beaucoup de respect.
Un deuxième niveau de la foi : au milieu de la foule qui entoure Jésus, se trouve cette femme malade. Elle a une raison bien personnelle pour s’approcher de Jésus. Elle veut tout simplement toucher son vêtement, se disant qu’elle sera peut-être alors guérie. Elle se serait contentée de cela, mais voilà que Jésus fait évoluer sa foi, en l’amenant à une relation personnelle avec lui. Partant de sa foi toute simple, teintée un peu de superstition, il la conduit à une foi plus éclairée, plus vraie.
Un troisième niveau : le père de la jeune fille ne demandait d’abord qu’une guérison. Mais par les questions de Jésus, il en arrive à aller jusqu’à dire qu’il croit que Jésus est capable de donner la vie. Cet homme devient accueillant à tout l’enseignement de Jésus. La foi pascale, la foi en Jésus, qui est le Chemin, la Vérité, la Vie. Ne pas oublier ce que Jésus a osé dire, même à ses apôtres, qu’il doit parfois avoir envie de nous dire à nous aussi : Hommes, femmes de peu de foi !
Quand on parle de nouvelle évangélisation, on parle justement de raviver cette foi chrétienne encore présente chez tellement de gens de chez nous. Que cette Eucharistie fasse grandir notre foi en Jésus le Ressuscité, qu’elle nous rende plus accueillants à la grâce qu’il nous fait d’être des disciples, des pasteurs capables de parler de Lui au monde d’ici et d’aujourd’hui.
Marc Bouchard, prêtre
Mbouchard751@gmail.com