17e dimanche du temps ordinaire 2021 B
« Le jeune garçon donne ses cinq pains et ses deux poissons. »
Homélie
(2 R 4,42-24 ; Éph 4,1-6 ; Jn 6,1-15)
La liturgie interrompt la lecture de l’Évangile de saint Marc nous faire lire le chapitre sixième de l’Évangile de saint Jean. Ce chapitre commence par le récit de la multiplication des pains et va se poursuivre par un long entretien de Jésus auquel la tradition a donné comme titre : Le discours sur le Pain de vie. C’est comme si l’Église profitait de ces dimanches d’été, plus tranquilles, moins pressants, pour offrir aux chrétiens une catéchèse sur l’Eucharistie, et à partir des paroles mêmes de Jésus.
Jésus leva les yeux et vit qu’une foule nombreuse venait à lui. Il dit à Philippe : Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? Des gens venus pour l’entendre et aussi pour le voir faire des miracles. Mais. Et c’est un peu étonnant, la préoccupation qui surgit d’abord dans le cœur du Seigneur lui fait dire que tout ce monde doit avoir faim. Le souci de Jésus exprimé en tout premier lieu n’est pas spirituel, mais bien plutôt de donner à cette foule de quoi manger.
La première parole de Jésus s’adresse à Philippe : Allez acheter du pain pour que ces gens aient de quoi manger. Il semble bien que le groupe des Douze avaient une petite caisse, pour leurs propres dépenses et aussi pour des gestes de partage. Le récit nomme Philippe, puis André, mais laisse bien entendre que les autres apôtres sont aussi présents et que Jésus veut tous les faire intervenir.
Jésus profite de toute occasion qui s’offre à lui pour leur faire découvrir tous les aspects de la mission qu’il va leur confier. Les apôtres et à leur suite tous ses disciples devront se faire remarquer en mettant leur générosité et leur capacité d’initiative en œuvre pour se préoccuper des besoins des gens à commencer par celui de la faim. Ses disciples devront participer à ce travail de transformation du monde qu’il est venu entreprendre, ce mouvement de partage généreux qu’il veut voir se répandre.
L’Eucharistie comporte un très beau symbole pour nous le rappeler. Les morceaux de pain et la coupe de vin que je vais tenir dans mes mains à l’offertoire et les paroles qui vont accompagner ce geste le disent bien. Ce pain et ce vin ont exigé le travail de beaucoup de personnes, toutes celles qui ont semé, labouré, récolté, qui ont fabriqué ce pain et ce vin, et tellement d’autres. L’offrande du pain et du vin, qui deviendront le corps et le sang du Seigneur, ne dit-elle pas le sens et la valeur du travail humain.
Cette multiplication des pains, Jésus n’a pas voulu la faire à partir de rien. Les cinq pains d’orge et les deux poissons du jeune garçon nous rappellent aussi que Dieu, sauf exception, ne nous remplace pas, il veut même avoir besoin de ses disciples, de nous pour que sa mission se poursuive sa mission. On est facilement porté à se tourner vers Dieu et à lui attribuer la faim, la souffrance, si présentes dans le monde. Jésus a tenu à nous faire savoir que Dieu dans la gouverne du monde nous renvoie à notre responsabilité.
Elle est pleine de sens cette belle prière que la liturgie va me faire dire, en notre nom à tous, au moment de l’offertoire : Tu es béni, Dieu de l’univers, toi qui nous donnes ce pain, ce vin, fruit de la terre et du travail humain ; nous te les présentons, ils deviendront le pain de la Vie, le vin du Royaume éternel. L’Eucharistie établit un lieu entre la grâce de Dieu et notre travail de chaque jour.
Si Dieu a voulu que les femmes et les hommes aient cette intelligence qui leur permet de multiplier les ressources de la terre, son dessein n’est pas qu’ils se limitent à ce niveau : Ce n’est pas seulement de pain que l’homme vivra, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu, a dit Jésus, reprenant les mots du Deutéronome. Le récit nous montre bien que Jésus n’accepte pas qu’on l’enferme dans un pouvoir temporel. Réalisant qu’on veut le prendre de force et faire de lui leur roi, il se retire, seul, dans la montagne. Comme il le faisait si souvent, il est allé vivre un temps de rencontre avec Dieu dans la prière.
Jésus ne nous dispense pas de nos tâches humaines, politiques, économiques, sociales, et les problèmes vécus par tant de monde ajoutent une urgence à cet appel qu’il fait entendre à ses disciples, qu’il nous fait entendre. Il ne veut vraiment pas que ses disciples, ses témoins oublient que le grand besoin de toute personne humaine consiste aussi et d’abord à se tourner vers Dieu et à se montrer accueillant à sa grâce. Peut-être plus aujourd’hui que jamais.
Le discours sur le Pain de vie sur lequel nous allons réfléchir au cours des quatre prochains dimanches va nous le redire avec force. La préoccupation de Jésus pour la faim des gens est réelle, il vient de l’assouvir avec tellement d’abondance, avec les restes, ils remplirent douze paniers. Jésus, c’est évident, pense aussi à cette autre faim à laquelle lui seul est capable de répondre. Il va nous le dire dans l’Évangile de dimanche prochain : Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle. Cette nourriture nous est particulièrement partagée dans cette Eucharistie que nous sommes venus célébrer, le Ressuscité vient nous dire qu’il demeure en nous et que nous demeurons en lui. Il est cette nourriture qui est en nous source de vie éternelle.
Marc Bouchard / mbouchard751@gmail.com