19e dimanche du temps ordinaire 2021 B
« Jésus n’a pas appelé les apôtres parce qu’ils étaient des saints, mais pour qu’ils en deviennent »
Homélie
(Dt 4,1-2.6-8 ; Jc 1,17-18.21b-22.27 ; Mc 7,1-8.14-15.21-23)
Ces cinq derniers dimanches, la liturgie nous a fait lire le discours sur le pain de vie dans l’évangile de saint Jean. Nous avons repris aujourd’hui la lecture continue de l’évangile de saint Marc. Le psaume que nous avons prié peut être vu comme un trait d’union entre ces textes de deux évangiles tellement différents l’un de l’autre.
Quand des pèlerins se présentaient au Temple, ils étaient invités à chanter ce psaume qui amenait chacun à se poser une question : Suis-je digne d’entrer, de me présenter devant Dieu ? Chaque pèlerin connaissait et la question et la réponse, les psaumes faisant partie de sa prière depuis son enfance.
Nous connaissons nous aussi ce psaume : Qui entrera dans ta maison, Seigneur ? … Celui qui se conduit parfaitement, qui agit avec justice et dit la vérité selon son coeur. Les autres versets ne font que détailler cette réponse : être juste, être vrai, ne faire de tort à personne.
Pour être vraie, la prière doit jaillir d’un cœur purifié. Celui qui entrait dans le Temple était donc invité à demander d’abord le pardon du Seigneur. La liturgie chrétienne a conservé ce geste, cette prière qu’on va nécessairement retrouver dans le nouveau missel romain. On y a maintenu ce qu’on appelle la prière pénitentielle. Nous avons demandé à Dieu que son pardon fasse que notre rencontre avec lui soit vraie, que nous soyons dignes de nous présenter devant lui.
Ne serait-ce pas ce que Jésus nous redit dans ce récit rapporté par saint Marc. On y voit Jésus réagir avec force aux paroles des scribes et des pharisiens : ils étaient portés à situer le bien et le mal uniquement dans des gestes, dans des comportements extérieurs. Tes disciples, lui disent-ils, prennent leur repas avec des mains impures, sans s’être lavé les mains.
Cela faisait partie de tous ces rites auxquels les juifs devaient se soumettre et que les scribes et les pharisiens considéraient comme des absolus ; toute la religion était très souvent ramenée à des paroles et à des gestes.
Tout en manifestant toujours un grand respect pour la Loi et les Écritures, Jésus dit clairement son désaccord. Ce qui doit donner tout leur sens aux paroles et aux gestes, ce n’est pas leur conformité avec la Loi, c’est d’abord et avant tout leur source, le lieu d’où ils partent, et c’est le cœur. Les sentiments qui habitent le cœur de quelqu’un, voilà pour Jésus ce qui donne tout leur sens et toute leur valeur à ses paroles et à ses gestes.
Sommes-nous vraiment cohérents dans notre vie avec notre affirmation d’être des baptisés, des disciples de Jésus ? Avons-nous un réel souci d’être des personnes vraies, et de parler, d’agir en conséquence ? Sommes-nous dignes de nous présenter devant le Seigneur pour célébrer cette Eucharistie ? Cela ne dit-il pas le sérieux que nous devons accorder à la prière pénitentielle du début de chaque Eucharistie ?
S’adressant aux scribes et aux pharisiens, Jésus ne semble vraiment pas de bonne humeur. Il reprend à leur égard les paroles du prophète Isaïe : Hypocrites ! … Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. C’est en vain qu’ils me rendent un culte ; les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains. Vous laissez de côté le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes. Des paroles de Jésus fort dérangeantes pour les quelques pharisiens et scribes qui l’écoutaient.
Quand ils se sont retrouvés seuls, Jésus a cru bon de revenir là-dessus en s’adressant à ses disciples, à l’écart : C’est du dedans, du cœur de l’homme que sortent les pensées perverses. Il continue, en leur faisant entendre ce qu’on peut considérer comme une liste de péchés : inconduite, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure.
C’est la seule fois dans les évangiles où on voit Jésus s’exprimer ainsi, énumérer une série d’actes qu’il juge condamnables. Comment oser dire qu’il n’y a plus de péchés comme on entend dire souvent alors que ce sont là des comportements qui font la nouvelle tous les jours.
Ce qu’il est important de remarquer dans cette liste, c’est que parmi ces douze péchés, il n’y en a pas un seul qui vise directement les devoirs envers Dieu. Il s’agit uniquement de comportements qu’on retrouve dans les relations humaines.
On peut relire cette liste en nommant le correspondant positif, en faisant voir la vertu que chaque péché vient contredire. On obtient alors ceci : une vie droite ; l’honnêteté dans les affaires et dans l’usage de l’argent ; la non-violence ; le respect d’une sexualité normale et juste ; la maîtrise des désirs ; la douceur ; la loyauté ; le sérieux de la vie et le courage ; le goût de la simplicité ; le respect de la réputation des autres ; l’humilité ; l’équilibre.
Ce que Jésus nous invite à vivre concerne nécessairement les rapports entre les personnes humaines. Cela rejoint les commandements donnés par Dieu à Moïse comme le rappelait la première lecture. C’est la base de toute civilisation, de toute culture, ce qui est nécessaire pour assurer le bonheur des gens. Le véritable culte, celui qui plait à Dieu commence par le respect des autres.
L’apôtre Jacques disait cela d’une autre manière dans la deuxième lecture : Devant Dieu notre Père, un comportement religieux pur et sans souillure, c’est de visiter les orphelins et les veuves dans leur détresse, et de se garder sans tache au milieu du monde.
Terminons cette réflexion par ces paroles de Benoît XVI : Les douze apôtres n’étaient pas des hommes parfaits. Si Jésus les a appelés, ce n’est pas parce qu’ils étaient déjà des saints, mais pour qu’ils le deviennent, afin qu’ils soient transformés, de sorte que l’histoire du monde le soit aussi.
Marc Bouchard / mbouchard751@gmail.com